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Je souffre des tensions sociales liées à la radicalisation face au COVID.

Écrit par Hervé Bridy, Psychologue à Genève, le 19 décembre 2021 dans Foire aux questions

Q : Depuis le début de la pandémie du COVID, j’ai de plus en plus de conflits et de tensions avec mes amis, et même au sein de ma famille, ce qui provoque chez moi une anxiété croissante, ainsi que des problèmes de sommeil. Je n’ai jamais consulté de psy, je ne pense pas avoir de problème psychologique particulier. Est-il utile que je vous rencontre ?

R : Nous vivons collectivement une période très difficile. La crise sanitaire nous impose des privations dont nous ne voyons pas la fin, et les incertitudes liées à ce qui se passe sont une source d’angoisse à laquelle nul n’échappe. Notre rapport au temps en est affecté, que ce soit par la perspective de la maladie ou de la mort liée au coronavirus, mais aussi du fait, entre autres complications, qu’il est devenu très difficile d’organiser des activités pour nos moments de congé, alors même que nous éprouvons tous un grand besoin de sortir la tête de ce brouillard.

Dans une situation collective chargée de stress, les rapports humains ont naturellement tendance à se tendre, les frustrations provoquent une agressivité semblable à l’électrisation de l’air après une chaude journée d’été. Des décharges peuvent avoir lieu en direction de nos pairs, parfois dans le couple, dans la famille, entre collègues de travail ou entre amis. Cela affecte immédiatement la confiance que nous plaçons dans les relations sur lesquelles nous avons coutume de nous appuyer et qui jouent un rôle essentiel dans notre équilibre personnel.

On assiste tout particulièrement à cette tendance à la décharge parmi ceux qui ont tendance à se radicaliser, autant du côté de ceux qui sont opposés à la vaccination que du côté de ceux qui voudraient les y contraindre, avec des attaques, des abus, du mépris, et l’on observe de chaque bord autant d’attitudes irrationnelles. Ce qui conduit à se méfier les uns des autres, puis à un isolement progressif qui finit par affecter l’estime de soi, entraînant souvent de l’anxiété et/ou des signes dépressifs.

Wilfred Bion est un psychanalyste anglais qui a commencé ses recherches comme officier de l’armée durant la Seconde Guerre mondiale, en s’occupant des soldats victimes de traumatismes. Il décrit deux types d’organisation des groupes, ce qu’il appelle un « groupe de travail », dans lequel chacun s’efforce de faire avancer la résolution d’un problème par la prise en compte des réalités et de la complexité des éléments en jeu ; dans cette perspective, les idées de chacun contribuent à la recherche d’une solution, ce qui est une démarche laborieuse mais permettant d’intégrer des forces collectives. D’un autre côté, Bion décrit un autre type de groupes qui ne sont pas régis par la rationalité, mais par des certitudes qui ne laissent place à aucune discussion; ces groupes sont dominés par un certain niveau de délire. L’un de ceux-ci, qu’il qualifie de groupe « attaque-fuite », fonctionne sur le mode de l’exclusion : la force de ce groupe réside dans la désignation d’un coupable, que ce soit à l’intérieur du groupe lui-même ou à l’extérieur. Il procède donc par la violence et non par la mise en commun des singularités de chacun.

Dans le cadre de la crise sanitaire que nous traversons, il importe de pouvoir critiquer l’attitude des médias, des dirigeants, des scientifiques ou des anti-vaccins, ce qui nourrit un débat nécessaire dans une démocratie, mais le risque provient de la tendance à porter des jugements si tranchés qu’ils ne prennent plus en comptes les différents intérêts en jeu. Le problème des contaminations nous oblige à faire des choix complexes en prenant en considération autant les intérêts individuels (le droit à choisir d’être vacciné ou non) que les intérêts collectifs.

Qui n’a pas été pris dans l’un de ces débats de café où il s’agit moins d’échanger sur des points de vue différents que de savoir dans quel camp son interlocuteur se situe ? « Soit tu penses comme moi et nous n’avons plus à nous poser de questions, soit tu ne penses pas comme moi et alors je dénigre ton point de vue et je t’exclus ». L’identité personnelle s’efface au profit d’une appartenance groupale, conduisant aux dérives que l’on sait, extrêmement nuisibles à la vie sociale, car le respect des différences n’a plus cours.

Pour revenir à votre question, je pense qu’une grande part de la souffrance individuelle doit être traitée collectivement, au travers de nos institutions, des dispositifs culturels extraordinaires que nous avons à disposition et qui nous permettent de mettre nos tensions et nos points de vue multiples en regard les uns des autres, ce qui nous aide à avancer ensemble dans des problèmes qui nous concernent collectivement. Il est essentiel de pouvoir affronter les inévitables conflits qui nous opposent de manière respectueuse et constructive, au lieu de céder à la tentation de dénigrer, ce qui n’est ni plus ni moins que la voie de la guerre.

Pour cela, il s’agit de pouvoir mieux communiquer, tant à l’échelle des relations proches qu’au niveau de la société, et chacun de nous en porte une part de responsabilité. Dans votre cas, s’il n’est pas avéré que vous ayez un trouble psychologique qui justifierait une prise en charge médicale, ce n’en est pas moins une souffrance qui mérite que vous preniez le temps de clarifier ce que cette crise a pu provoquer en vous-même, peut-être grâce à l’écoute d’un psychanalyste, mais pourquoi pas d’un philosophe ? Cela peut vous aider à apaiser vos tensions et votre ras-le-bol qui paralysent vos compétences à partager de bonnes choses avec votre entourage, ensuite vous pourriez voir plus clair en vous-même, organiser votre quotidien de manière plus satisfaisante et trouver plus de sens dans l’existence.

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